Archives de catégorie : violences policières

«Je ne compte plus les mecs qu’on a éborgnés» à Sainte-Soline : révélations en images sur les tirs illégaux de grenades par les gendarmes

Nous reproduisons ici l’article paru dans le journal Libération le 5 novembre 2025
 
«Libération» et «Mediapart» dévoilent, vidéos à l’appui, comment, lors de la manifestation interdite contre un chantier de mégabassine le 25 mars 2023, les forces de l’ordre ont multiplié les tirs tendus de grenades explosives et lacrymogènes. Des dizaines de personnes ont été blessées, plusieurs gravement.
Le 25 mars 2023, les quelque 2 000 gendarmes mobilisés à Sainte-Soline ont tiré plus de 5 000 grenades explosives et lacrymogènes.
Le 25 mars 2023, les quelque 2 000 gendarmes mobilisés à Sainte-Soline ont tiré plus de 5 000 grenades explosives et lacrymogènes. (Photomontage Libération)
Par Ismaël Halissat

Emanuel Descours, montage vidéo
Publié le 05/11/2025 à 12h00
 

Ils qualifient les manifestants de «pue-la-pisse», «d’enculés», de «chiens», parlent d’un «vrai kif» à propos des personnes qu’ils ont gravement blessées, disant avoir «signé pour ça». Ou encore évoquent, hilares, de nombreuses victimes : «Je compte plus les mecs qu’on a éborgnés.» Ces propos sont issus des dizaines d’heures de vidéos brutes filmées par les caméras des gendarmes mobiles lors de l’opération de maintien de l’ordre à Sainte-Soline (Deux-Sèvres). Ce samedi 25 mars 2023, des militants écologistes décident de braver l’interdiction de manifester de la préfecture pour s’approcher du chantier contesté d’une mégabassine. Les images captées par les caméras des forces de l’ordre, que révèlent Libération et Mediapart, montrent de nombreux tirs tendus de grenades lacrymogènes et explosives, une utilisation interdite et potentiellement mortelle de ces armes qui doivent être utilisées en cloche pour s’ouvrir en l’air. Ces usages illégaux, à l’origine des blessures les plus graves des manifestants, ne sont pas des cas isolés mais bien le résultat d’ordres délibérés de procéder à de tels tirs.

 

Le dispositif sécuritaire déployé ce jour-là pour empêcher les militants d’accéder au chantier de la mégabassine est conséquent : onze escadrons, vingt quads du peloton motorisé de la garde républicaine, deux véhicules blindés et deux camions équipés d’une puissante lance à eau. En un peu moins de trois heures, les quelque 2 000 gendarmes mobilisés tirent plus de 5 000 grenades, dont un quart sont des GM2L, des munitions composées de gaz lacrymogène mais surtout d’une charge explosive qui peut mutiler voire tuer.

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Violences policières à Lorient

 Témoignage. A Lorient, ils racontent «l’impression d’avoir été kidnappés » par la police

Nous relayons ici, un témoignage paru dans le journal Ouest-France 15 octobre 2021. Article écrit par Pierre WADOUX.

Gwladys et Antoine, 24 et 26 ans, ont été interpellés par la police dans la nuit du 8 au 9 août 2021, à Lorient (Morbihan). De façon musclée, selon leur témoignage. Ils ont porté plainte.

Antoine, 26 ans, peine encore à en parler, plusieurs semaines après les faits. « J’ai beaucoup hésité avant de porter plainte et de me confier, glisse le jeune homme. Parce que mon amie et moi étions encore sous le choc de ce qui s’est passé cette nuit-là… »

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Antonin Bernanos, assigné à résistance

ENCORE MARQUÉ PAR LA MORT DE SON AMI CLÉMENT MÉRIC, LE MILITANT ANTIFA ENCHAÎNE LES DÉBOIRES JUDICIAIRES.

Par Quentin Girard, photo Samuel Kirszenbaum pour Libération — 21 octobre 2020
Source : Libération
Sous le crachin et la grisaille, à une terrasse de café près de la gare Montparnasse, le militant antifa Antonin Bernanos regarde droit devant lui, concentré. Il allume une cigarette, ses lèvres tremblent et déforment un peu son beau visage qui fait tomber en pâmoison le photographe. Il a froid, et c’est normal : l’automne et son cortège de nouvelles déprimantes portées par le vent mauvais du coronavirus nous enveloppent, nous compressent et nous craquellent.
 
Ce portrait a failli ne jamais être écrit. Antonin Bernanos avait dit oui à une rencontre, puis non, puis oui à nouveau. Lassitude des médias, peur de ne pas contrôler sa parole, crainte d’une phrase mal tournée qui ferait trop plaisir à ses contempteurs ou qui entraverait le calendrier judiciaire, volonté (classique) de ne pas individualiser une lutte collective, les raisons de refuser étaient nombreuses. Mais les juges ont décidé du huis-clos pour les prochaines audiences, il a eu l’impression qu’il ne serait jamais écouté, alors, perdu pour perdu, autant parler.
 

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Aux racines du racisme systémique de la police

Comparer les polices américaine et française, c’est questionner les angles morts de notre mémoire nationale, car les origines du racisme policier en France sont anciennes et liées aux Antilles tout autant qu’à l’Afrique.

 
Par Grégory Pierrot, professeur de littérature américaine à l’université du Connecticut, citoyen franco-américain résidant aux Etats-Unis depuis dix-sept ans — 
 

Tribune. On pourrait écrire tout un livre au sujet des réactions françaises générées autour du tremblement de terre #GeorgeFloyd aux Etats-Unis et des secousses globales qui suivirent, notamment le rassemblement organisé à Paris le 2 juin par le comité Vérité et Justice pour Adama Traoré. Dans une «discussion» avec l’universitaire Maboula Soumahoro sur BFM TV, le chroniqueur Eric Brunet affirmait récemment que l’idée même de racisme institutionnel serait un emprunt indu à la culture américaine. La police française ne peut être raciste parce que la République française n’a pas d’histoire raciste.

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La domination policière : une violence industrielle.

Mathieu Rigouste, La domination policière. Une violence industrielle, Paris, La fabrique, 2012, 208 pages.

la domination policièreParu depuis  quatre ans déjà, l’ouvrage de Mathieu Rigouste ne perd pas de son intérêt pour analyser le fonctionnement des institutions policières françaises, et à un niveau plus global, de leur rôle au sein du système capitaliste et étatique. Paru aux Editions La Fabrique, La domination policière apparaît comme la synthèse du travail de l’auteur entrepris depuis ses recherches doctorales à la fin des années 2000. 235 pages condensant les conclusions de ses livres précédents: L’ennemi intérieur, La bande à Bauer, et d’un livre moins connu Le théorème de la Hoggra (1). 235 pages au style clair, sans emphase et direct, qui reprend implacablement les aspects développés par l’auteur autour de la généalogie de l’ordre sécuritaire contemporain français. Rigouste fait ce que les lecteurs qui suivent ses écrits et interventions pouvaient attendre de lui : une sorte de manuel, des « outils »  comme il le dit lui-même, afin de renverser les relations de dominations et d’oppressions : « Je fabrique des outils pour démonter les mécanismes de la domination. »

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