Archives de catégorie : A bas l’Etat

David Graeber : « Nos institutions sont antidémocratiques »

«La pensée libertaire est historiquement hostile à l’État »

Entretien inédit pour le site de Ballast :  http://www.revue-ballast.fr/david-graeber/

Économiste et anthropologue américain, David Graeber est également professeur à la London School of Economics — ses positions libertaires valurent à celui que le New York Times présente comme l’un des intellectuels «les plus influents » du monde anglo-saxon d’être remercié de l’université Yale, en 2007. Auteur de Dette, 5000 ans d’histoire, cette figure du mouvement Occupy Wall Street s’attache, dans chacun de ses ouvrages, à démanteler les prétendues vérités propagées par l’imaginaire et la pensée dominante. Dans son dernier essai, Bureaucratie, Graeber renverse un nouveau paradigme et énonce ce qu’il appelle la « loi d’airain du libéralisme» : «Toute réforme de marché, toute initiative gouvernementale conçue pour réduire les pesanteurs administratives et promouvoir les forces du marché, aura pour effet ultime d’accroître le nombre total de réglementations, le volume total de paperasse et l’effectif total des agents de l’État.» Nous nous sommes donné rendez-vous lors de son dernier passage à Paris. Entretien dans un petit hôtel de la capitale.

Vous expliquez que la « science économique » tente de légitimer le fait d’être au service de l’idéologie libérale, qui n’est que « passion », par une extrême rationalité bureaucratique. Diriez-vous que le libéralisme est une religion qui dispose de ses propres dogmes, pratiques et morale, mais que sa légitimité ne repose que sur des croyances ?

Oui. C’est une des choses fascinantes avec l’économie… Prenons le marché : il sait. On ne peut pas aller à son encontre. Mais si on demande aux économistes ce qu’est le marché, ils répondront : « Eh bien, c’est un modèle, cela n’existe pas vraiment. » Ce sont les premiers à admettre que c’est une chose qui a été construite. Et c’est contre-intuitif d’imaginer ce que serait le monde si chacun agissait rationnellement, en détenant une information parfaite. C’est comme s’ils reconnaissaient ainsi avoir créé une idéalisation de toutes pièces, une sorte d’image divine, alors qu’ils l’ont évidemment créée dans l’idée que c’était une chose réelle.

Continuer la lecture de David Graeber : « Nos institutions sont antidémocratiques »

État – Nation – Capitalisme

La nationalisme de gauche

Publié le 17 Octobre 2015

ob_e23395_bernier
Le nationalisme de gauche est présenté comme la solution pour sortir de l’austérité. Contre l’Europe, le repli sur l’Etat-nation doit permettre de construire une République sociale. Cette imposture idéologique demeure une impasse.
Sources : http://www.zones-subversives.com/2015/10/l-imposture-du-nationalisme-de-gauche.html  et http://www.socialisme-libertaire.fr/2015/12/la-mascarade-du-nationalisme-de-gauche.html

L’échec de la gauche radicale, notamment en Grèce, est attribué à son attachement à l’Europe. Pour de nombreux observateurs, il semble indispensable de rompre avec l’Union européenne et avec la monnaie de l’euro pour relancer l’économie et sortir de la crise. Cette fausse solution se banalise aujourd’hui chez de nombreux intellectuels, sans même parler de Jacques Sapir. L’économiste d’Etat Frédéric Lordon s’est fait le chantre de cette voie de garage. Mais ses textes confus privilégient le bavardage spinoziste sur l’histoire du mouvement ouvrier. Ce qui devrait suffire à le discréditer. Aurélien Bernier propose au contraire un discours clair qui permet de saisir la réflexion de toute cette mouvance. En 2014, il propose ses analyses dans son livre La gauche radicale et ses tabous.

Abstention ! Révolution ! Autogestion !

★ Il y a des gens qui sont morts pour avoir le droit de vote…

C’est ce qui nous est régulièrement opposé quand on critique le système électoral d’un point de vue anarchiste. Regardons de plus près ce que cela signifie.

Déjà, on peut constater qu’il y en a aussi qui sont morts au combat pour imposer le fascisme, le bolchevisme, une idéologie religieuse, ou une autre dictature, etc… Cela en fait-il pour autant des personnes estimables dont nous devrions suivre la voie ?

Deuxièmement, ce genre de réplique toute faite, qui se veut un argument, émane parfois de certains individus, qui ne font rien pour améliorer la société, pour une plus grande justice sociale. Ils ne font pas grève, ne manifestent pas pour quelque cause que ce soit, font leurs courses dans la grande distribution y compris le dimanche, ne défendent pas l’environnement, ne sont pas solidaires de leurs collègues de travail qui subissent les tracasseries de la hiérarchie et ils répètent les inepties proférées dans les grands médias sans esprit critique… etc.

Continuer la lecture de Abstention ! Révolution ! Autogestion !

Un Etat qui règne au dessus du volcan

Le constat est désormais banal : la société-monde s’abîme dans ses crises. Jamais dans l’histoire une société n’avait imaginé prévoir si précisément l’agenda de son effondrement. De l’ampleur du réchauffement climatique à l’épuisement des ressources naturelles, l’empoisonnement généralisé de la planète, chaque mois amène son lot de détails sur les contours de l’inéluctable. On y avait accoutumé les populations. Les Etats et leurs supplétifs verts se montraient rassurants. Ils en faisaient leur affaire : il y aurait encore de beaux jours, moyennant une désagréable mais inévitable période d’adaptation. Des « décroissants » s’en remettaient à l’Etat pour imposer les restrictions et la rééducation utiles au retour de la joie de vivre. Tout cela a volé en éclats en moins d’une décennie.

Continuer la lecture de Un Etat qui règne au dessus du volcan