
Ils qualifient les manifestants de «pue-la-pisse», «d’enculés», de «chiens», parlent d’un «vrai kif» à propos des personnes qu’ils ont gravement blessées, disant avoir «signé pour ça». Ou encore évoquent, hilares, de nombreuses victimes : «Je compte plus les mecs qu’on a éborgnés.» Ces propos sont issus des dizaines d’heures de vidéos brutes filmées par les caméras des gendarmes mobiles lors de l’opération de maintien de l’ordre à Sainte-Soline (Deux-Sèvres). Ce samedi 25 mars 2023, des militants écologistes décident de braver l’interdiction de manifester de la préfecture pour s’approcher du chantier contesté d’une mégabassine. Les images captées par les caméras des forces de l’ordre, que révèlent Libération et Mediapart, montrent de nombreux tirs tendus de grenades lacrymogènes et explosives, une utilisation interdite et potentiellement mortelle de ces armes qui doivent être utilisées en cloche pour s’ouvrir en l’air. Ces usages illégaux, à l’origine des blessures les plus graves des manifestants, ne sont pas des cas isolés mais bien le résultat d’ordres délibérés de procéder à de tels tirs.
Le dispositif sécuritaire déployé ce jour-là pour empêcher les militants d’accéder au chantier de la mégabassine est conséquent : onze escadrons, vingt quads du peloton motorisé de la garde républicaine, deux véhicules blindés et deux camions équipés d’une puissante lance à eau. En un peu moins de trois heures, les quelque 2 000 gendarmes mobilisés tirent plus de 5 000 grenades, dont un quart sont des GM2L, des munitions composées de gaz lacrymogène mais surtout d’une charge explosive qui peut mutiler voire tuer.